..."J’entendis la sonnerie. Toutes les salles sont numérotées, pour ne pas se tromper, du moins je le suppose, je me dirige vers le n° 129, la salle de dessin. Ce professeur là aimait l’ordre, il voulait toujours ses élèves en rang, par deux, devant sa salle de classe ! Je l’aperçois au loin, il arrive, le voilà..!
- Rangez-vous ! Dit-il, d’un ton neutre et grave.
- Entrez !
Sans vraiment choisir, je m’asseyais au beau milieu de la classe, mais pour aucune raison précise, face à son bureau. Cet homme là, je ne l’aimais pas beaucoup avec son air trop autoritaire. En classe, il nous lança à toutes un regard froid, j’observais un humour forçé, comme celui d'un oiseau seul sous la pluie. Ce jour là, il devait être de mauvaise humeur. Je me disais qu’il ne fallait pas trop bouger car déjà j’avais oublié la moitié de mon matériel! Et je savais qu’il n’aimait pas beaucoup cela. Plus il parlait et plus nous le sentions aisé. Il était comme ça cet homme, tel un caméléon en pleine forêt, qui décide de changer de couleur s'il le décide! Quand soudain, je le vis se diriger vers moi. Que me voulait-il ? S’arrêtant devant ma table, il se pencha et me dit:
- Où est votre affûtoir ?
Moi, ne sachant plus où regarder, je tremblais déjà à l’idée de me faire disputer! Reprenant mon courage à deux mains, je levais la tête et de mes yeux noirs l’affrontais…! Je vis un petit air amusé. Il me dit encore:
- Mais ? …Vous allez baisser les yeux quand je vous parle !?
- Ce n’est pas poli de ne pas regarder une personne dans les yeux, lorsqu'elle vous parle ?
Mes cheveux tombant jusqu’au bas du dos, avaient l’air d’attirer son attention. Au coin de ses lèvres, un petit air amusé. Je le trouvais vraiment médiocre cet homme là, par son autorité, son comportement froid, méfiant et distant à la fois! Il se pencha d'un peu plus près, il fit le tour de la salle et à cet instant même je me demandais ce que j'allais prendre encore ? Il se trouva enfin derrière moi. A ma grande surprise, il commença à me caresser les cheveux, le plus doucement possible, on aurait dit qu’il avait peur de les casser ? Je ne bougeais plus d'un iota et tous nous regardaient, comme attendant la fin d'un aventureux spectacle ! En quelques secondes, tout avait changé dans son regard, un éclat de lumière, l’immensité des Océans, la profondeur même des mers des tropiques juste avant un orage! J’avais l’impression de flamboyer, comme si seule ma chevelure était maîtresse de mon corps et qui m’avait finalement sauvée…! Je levais la tête et je sentis tous les regards se tourner vers moi. Je me sentais coupable. "Mais… bon sent, coupable de quoi ?
- Vous avez de beaux cheveux. Ils sont magnifiques. Une chevelure épaisse et noire comme l'ébène.
A cet instant, j'avais cette impression que des éclairs traversaient et foudroyaient mon cœur ! Maintenant je sentais même les poils de mes bras se hisser tout droit! Ces doux instants exquis me faisaient oublier que l'on était en classe. A présent, des frissons me parcouraient de la pointe des orteils jusqu'à la racine des cheveux ! Jamais je n'aurais voulu qu'il s'arrête. Mais qu'est-ce que je raconte ? Mon orgueil grandissant et de ma plus haute fierté, je relevais la tête haute, je relevais mon buste. Sans bouger, comme si cela m'était agréable ? Je ne comprenais pas ? Pourquoi me sentais-je coupable de ces moments si plaisants ? Tous, les yeux rivaient maintenant sur lui, il sentait qu'il devait mettre fin à son geste audacieux ! D'un pied ferme et décidé, il tourna les talons et se dirigea vers le tableau. Sans même me jeter un regard, il nous indiqua quelques renseignements sur notre leçon d'aujourd'hui, "les nuages". Alors qu'il nous expliquait différents dégradés sur les gris, différents mélanges que l'on pouvait étudier, le noir et de blanc. Moi, je me contentais de regarder par la fenêtre car je me complaisais à rêvasser. Ces quelques instants de douceurs qu'il eut à mon égard, m'avais complètement troublé ? Bouleversé même allais-je dire ? Je revoyais dans ma tête, cette attitude délicate, sensuelle et tendre. Jamais on ne m'avait attaché autant d'importance ! Maintenant un long frisson me parcourait, tout le long de mon corps, de la plante des pieds jusqu'à la racine des cheveux ! J'appréciais encore. Je me complaisais dans mon monde imaginaire et imaginable à la fois et malgré mes efforts de concentrations, soudain je ressentais des regards venant de tous côtés. Mes images se brouillèrent entre elles …" et d'une voix lointaine j'entendis.
- Cessez de bailler aux corneilles et réfléchissez plutôt à ce que je viens de dire !
Mon Dieu, mais…qu'avait-il expliqué? Pourvu qu'il ne m'interroge pas ! Quand soudain, plus un bruit et dans le silence qui dura trop longtemps à mon goût. Je fis un sursaut, sa voix résonna comme un marteau dans ma tête, Mademoiselle Tarisiana ! Au tableau ! D'un geste de désinvolture, il fit claquer ses doigts et me désignant le tableau. A cet instant, décidément, me disais-je, je le détestais cet homme avec ces manières de faux raffiné et qui plus est me donner des ordres ! Comme si le monde était à ses pieds ? Je le regardais quelques secondes, les yeux plissaient, comme pour lui montrer que je n'aimais pas beaucoup sa vanité, j'avais l'impression d'être franchement un petit caniche ! Et je me disais On claque du doigt pour un chien, par pour une personne ? Mais qu'est-ce que c'est que cet homme ! Que devrais-je faire? Je n'avais pas le choix que d'obéir ? D'un pas sûr et finit, je me levais aussi droite que là justice, je bondis au devant du tableau et d'un geste royal mis une mèche de mes cheveux noirs et épais derrière mon dos. Il observait mes moindres mouvements, comme s'il voulait m'attraper au bon moment, là, ou il pouvait enfin me coller ! Il n'a franchement pas autre chose à faire celui-là, que de s'occuper de moi, pensais-je ? Je l'affrontais à nouveau les yeux dans les yeux et lui dit fermement mais tout en bégayant :
- Je…je. .n'ai pas écouté, d'ailleurs tout ce que vous disiez juste avant ?
A son tour, il plissa ses yeux, un regard malicieux en ressortait, comme s'il voulait me renvoyer l'image d'un miroir..."
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